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Madame Maloisel née Lepetit

Ferme du grand Barhais à Donville, 23 ans en 1944

Madame Maloisel nee Lepetit 1944En juin 1940 j’étais employée chez Monsieur et Madame Leforestier à la ferme du grand Barhais au hameau de Donville à Méautis, à moins de 100 mètres de la chapelle de Donville. Mon patron, Monsieur Leforestier avait été mobilisé pour partir en guerre. Nous étions donc avec sa femme et ses enfants lorsqu’un obus tomba tout proche de la ferme alors que nous étions cachés dans un abri creusé à côté de la maison. Nous avons pris peur et ma patronne a décidé de partir. J’ai pris un vélo et j’ai mis le fils Leforestier derrière moi. Nous sommes partis en direction de Méautis lorsqu’un obus est tombé au moment où nous étions à la Lande Godard. Heureusement nous n’avons pas été blessés.

Nous sommes partis en direction de Saint- Germain sur Sèves chez les parents de Monsieur Leforestier. Je suis restée à Saint- Germain-sur-Sèves toute la journée mais le lendemain je suis partie avec la sœur de Madame Leforestier traire les vaches à Donville. Et là nous avons rencontré les premiers Allemands. Nous n’étions pas fières du tout ! Personne ne disait un mot ! Et puis nous avons trait les vaches. Nous sommes reparties  en vélo à Saint- Germain-sur-Sèves. Le lendemain nous avons repris la route pour rentrer à la ferme du grand Barhais à Donville. Par chance les Allemands n’occupaient pas la ferme, ils ne l’ont occupée qu’en 1944. Nous avons continué le travail et la traite des vaches. Monsieur Leforestier, mon patron, est rentré car il n’avait pas été fait prisonnier par les Allemands. Ces derniers venaient quelques fois à la ferme chercher du ravitaillement comme des œufs, du lait…Les Allemands occupaient principalement le bourg de Méautis. Nous devions avoir un laissez- passer et une carte d’identité pour circuler. Les Allemands avaient blanchi les marais de Donville pour éviter que des avions ou des parachutistes n’atterrissent. Le marais était donc recouvert d’eau toute l’année ce qui a changé nos habitudes d’élevage car il n’était plus question de mettre les animaux paître dans ce coin !

Au soir du débarquement, le 5 juin au soir ma patronne, Madame Leforestier était partie coucher chez sa sœur au hameau de Corbeauville à Méautis. J’étais restée avec les enfants et mon patron Monsieur Leforestier. Dans la nuit nous avons entendu des bruits terribles. Je me suis demandée ce qui pouvait faire un tel vacarme ? Alors je suis montée là haut dans le grenier et oh ! il y avait des explosions de partout dans le ciel ! C’était sans doute des parachutistes qui sautaient mais nous ne le savions pas ! C’était un vrai feu d’artifice et avec le reflet de l’eau dans les marais cela faisait un drôle d’effet ! . Alors j’ai appelé mon patron pour qu’il puisse se rendre compte aussi. Nous ne savions pas qu’il s‘agissait du débarquement !

Le lendemain matin ma patronne est revenue et je lui ai demandé si elle avait aperçu des Américains. Elle m’a répondu que non. Nous avons décidé de partir à Saint-Georges-de-Bohon pour traire les vaches. Nous sommes revenues par le château de Rougeval situé entre Carentan et Méautis. C’est à cet endroit que nous avons aperçu des parachutes qui étaient restés accrochés dans les arbres. Et puis nous avons poursuivi notre route et aperçu Monsieur Paul Philippe qui venait d’être pris en otage par les Allemands alors qu’il était à la ferme du petit Barhais. Il sera fusillé par les Allemands avec deux autres civils non loin  de là après qu’ils aient creusé leurs propres tombes…

La première fois que j’ai vu un parachutiste américain c’était à l’entrée de la porte de la maison de la ferme du grand Barhais. Je ne savais pas ce qu’il voulait car il parlait américain et je ne comprenais rien du tout.

J’ai cru comprendre tout de même qu’il cherchait d’autres parachutistes. Il était sans doute perdu. Il a fini par partir pour sans doute essayer de trouver ailleurs car je n’ai pas pu lui donner des renseignements. Par contre il y avait la fille Cardin, qui était partie sur le pont de chemin de fer qui donne sur le marais de Donville. Elle a vu que des parachutistes étaient tombés dans l’eau et s’étaient noyés. Les paras américains ne se sont pas caché dans la ferme du grand Barhais, ils se cachaient dans les haies et le bocage qui était très dense à cette époque.

Les Allemands sont arrivés dans la ferme le 10 juin 1944, je crois que c’était un samedi. Nous avons vu arriver les gradés, les officiers qui commandaient et là ils ont pris la maison et toute la ferme. Nous n’avions pas  le droit d’accéder à l’étage, nous devions rester en bas de l’habitation. Nous avions mis des matelas aux fenêtres pour nous protéger car je vous assure que ce n’était pas beau à voir ! Les Allemands qui étaient dans la ferme venaient de l’armée de terre. Ils se composaient en autre de Russes, de Mongols qui avaient été capturés et enrôlès de force par les Allemands. Nous en avions une trouille terrible , ils nous faisaient vraiment peur ! Les Allemands venaient du village de Pommenauque à Carentan. Ils avaient remonté la voie de chemin de fer pour ensuite venir à Donville. Nous les voyions se battre pour repousser les Américains qui tentaient de prendre Carentan. Je peux vous assurer que ce n’était pas beau à voir…

Le dimanche les obus tombaient de partout, principalement sur les bâtiments agricoles qui étaient déjà presque détruits. J’avais eu le courage de chercher les vaches dans le champ d’à côté de la ferme. Nous avons ensuite trait dans une étable encore non détruite. Le soir nous avons eu le temps d’écrémer le lait. Nous sommes restés dans la petite salle où nous avions le droit de manger. Le lendemain matin les chefs allemands étaient partis à la ferme de Monsieur Gosselin mais la plupart des allemands étaient restés au grand Barhais. Je suis allée chercher les vaches comme j’ai pu.

Le lendemain matin au milieu de tout cela j’ai rencontré un Allemand, un alsacien qui parlait le Français. Il m’a dit  » Madame il faut partir les SS arrivent. Vous il faut partir !  » Je suis partie voir mon patron qui a attelé la jument à la charrette.

Nous avons demandé aux Allemands si nous pouvions prendre des couvertures à l’étage. Ils ont accepté  et nous les avons prises. Nous avons également pris du pain, du beurre…et d’autres ravitaillements. Nous sommes partis par la route qui descend vers le  marais de Donville et là nous avons vu des centaines de soldats allemands qui étaient partout dans les champs, les haies ! Nous avions une peur terrible ! Nous avons vu dans l’avenue les Allemands qui avaient été tués et qui étaient restés sur place. Nous avons fait demi-tour pour passer par une autre route en direction de Saint- Germain-sur-sèves pour aller chez les parents de Monsieur Leforestier. Nous étions le 12 juin 1944 une journée avant la grande bataille de Donville !

Nous sommes partis en exode jusqu’aux environs d’Agon-Coutainville avec notre charrette. Nous avons vu les Américains au mois de juillet et nous avons donc décidé de rentrer d’exode. A notre retour au mois de juillet 1944 à la ferme du grand Barhais tout était détruit sauf un morceau de la laiterie. La ferme avait brûlé et nous n’avons jamais su si c’était les Allemands ou les Américains qui l’avaient incendiée. C’était terrible car tout était perdu ! Les champs étaient défoncés par les trous d’obus, il y avait des trous individuels de soldats, du matériel en tout genre, le bétail était anéanti ! Et puis toutes ces personnes que nous avions connues qui avaient été tuées dans les combats ou fusillées par les Allemands. Je ne souhaite à personne de connaître cela. La guerre est une chose désastreuse !

Comme nous n’avions nul endroit où dormir nous avons été hébergés chez Monsieur et Madame Jules Lemelletier à Donville. Puis nous sommes retournés habiter  dans la boulangerie de la ferme du grand Barhais. Nous avons réussi à récupérer quatre vaches puis Monsieur Leforestier a décidé de cesser l’agriculture. Il a acheté une boulangerie à Saint- Jean-de-Daye.

J’ai vu la première fois des noirs américains à Donville en juillet 1944 et j’ai eu la peur de ma vie car je n’en avais jamais rencontré. Un officier américain m’a rassurée en me disant qu’ils étaient disciplinés et qu’il ne fallait pas avoir peur !

 

Témoignage suivant : Léon Lehay

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