Histoire familiale du Manoir de Donville
Les Origines
Le manoir de Donville est situé à environ 2,5 kilomètres de l’ église de Méautis. La terre de Donville était un arrière fief dépendant du fief principal de Méautis sur lequel étaient dus des droits seigneuriaux. Sur ce fief se trouvait un arrière fief, celui de Coupeville dont un clos englobait la chapelle de Donville. Ce dernier fut agrandi par la famille Osber par union de terres roturières le 19 novembre 1607 pour relever noblement du fief principal de Méautis.
Les traces les plus anciennes de Donville retrouvées dans les archives ou sur le site datent de la période gallo-romaine : la toponymie de certains noms de champ ou la traduction de Donville, Dominus le seigneur et Villa, le domaine rural, montrent la présence de l’occupation romaine dans ce secteur de Méautis. N’oublions pas également que le manoir de Donville se trouve à moins d’un kilomètre de la voie romaine qui reliait Carentan à Périers. Des pièces romaines en bronze retrouvées en 1842 à Donville ainsi que des restes de fortifications gallo-romaines viennent conforter cette origine très ancienne.
Histoire par familles
La famille De Méautis
Le document écrit le plus ancien retrouvé à ce jour sur Donville, est une copie d’une charte rédigée en latin vers 1079 dans laquelle nous apprenons que Robert de Méautis, seigneur du lieu et de la paroisse, donne le droit de patronage et de présentation des chapelains de Donville à l’abbaye Saint-Etienne de Caen. L’original de la charte a disparu, mais une copie fidèle du document fut réalisée au 19ème siècle et existe toujours. Cette donation, qui était en réalité une vente déguisée fut confirmée en 1088 par Richard, roi d’Angleterre et Duc de Normandie. Cette donation souligne l’importance de la famille de Méautis proche du pouvoir ducal et dotée d’un domaine foncier conséquent
Les de Méautis étaient implantés dans le Cotentin depuis au moins le 10ème siècle. Le premier du nom aurait été Enjuger de Méautis, troisième fils de Richard Ier de Mary et donc premier seigneur de Méautis vivant au début du 11ème siècle. Un ancien château, dont il était possible de voir encore quelques pierres au 19ème siècle, se trouvait proche de la ferme de la cour. Mais il ne reste rien aujourd’hui de ce passé du Moyen-âge à part l’église Saint Hilaire de Méautis
Les de Méautis, qui portaient pour armes « de gueule à trois macles d’or, posés 2 et 1 », connurent un passé glorieux et participèrent activement aux croisades : en 1096 Guillaume de Méautis figurait parmi les seigneurs du Cotentin qui accompagnèrent Robert, fils de Guillaume le conquérant, dans la croisade pour libérer Jérusalem des turcs musulmans. Des traces de leur présence furent également retrouvées en Angleterre
La chapelle de Donville, dédiée à Saint Clément, est assez richement dotée en archives. Nous ne savons quelle allure elle avait au 11ème siècle, si elle était construite en masse ou en pierre. Outre la donation de Robert de Méautis en 1079, vous savons qu’en 1243 Sylveste de la Cervelle, évêque de Coutances autorisa les inhumations, les mariages et les baptêmes dans la chapelle. En effet, les habitants du fief de Donville étaient obligés de se rendre à l’église de Méautis pour accomplir leurs devoirs religieux. Totalement isolés par les marais durant les longs hivers, les habitants de Donville rechignaient à traverser des voies impraticables remplies d’eau et de trous pour se rendre à l’église de Méautis. Une enquête ordonnée en 1389 par Robert IX, abbé de Saint-Etienne de Caen, montre que le fief de Donville était doté d’une maladrerie, d’une grange à dîmes et d’un presbytère. Seuls le manoir et la grange à dîmes, en partie détruite, sont encore visibles aujourd’hui
Le livre noir et le livre blanc des archives diocésaines nous confirment que le curé de Méautis percevait les revenus de la chapelle de Donville : « capelle de Donvilla est in parochia, cujus dictus abbas est patronus. Rectorpercipit omnes fructus ejusdem capellae »
Cette chapelle dont il subsiste encore un mur du 11ème siècle fut l’objet de nombreux procès entre les seigneurs de Donville et ceux de Méautis. Elle eut à souffrir d’un manque d’entretien constant au cours des siècles ou des pillages liés aux guerres qui ravagèrent le Cotentin depuis le Moyen-âge
Nous ignorons ce qui advint des de Méautis mais nous savons que c’est la famille Osbert qui s’illustra à Donville à partir du 13ème siècle
La famille Osbert
Cette famille typiquement normande connut bien des aléas et tenta à de multiples reprises de s’émanciper de la paroisse de Méautis et de fonder a Donville une paroisse indépendante dans laquelle ils auraient régné en seigneurs… Tantôt nobles, tantôt roturiers, ils se ruinèrent dans de multiples procès sans fin. En 1389, au cours de l’un de leur procès, Robert IX (abbé de Saint- Étienne de Caen) ordonna une enquête sur les pratiques religieuses de Donville. Il serait fastidieux d’énumérer tous ces procès avec la famille Osbert ! L’un des plus fameux retiendra notre attention : au cours de l’année 1584, Jean Simon, écuyer et seigneur de Méautis, engagea une procédure contre Jean Osbert, écuyer. Ce dernier fut condamné, outre à payer une somme conséquente à la victime, à retirer ses armoiries, à placer son banc dans la chapelle derrière celui de Monsieur Simon en raison de sa supériorité et de son rang social. Une humiliation que Jean Osbert dû subir devant tous les paroissiens de Donville et de Méautis
Les Osbert, qui vivaient dans le manoir de Donville, allèrent jusqu’à voler les archives de la chapelle et détruisirent les rentes qu’ils devaient à cette dernière ! Malgré les multiples tentatives réalisées par les différents prêtres de la paroisse pour récupérer ces rentes dues par les Osbert, ces archives disparurent définitivement du coffre dans lequel elles étaient entassées au manoir de Donville.
Ils continuèrent les procès et finalement en 1727 le dernier des Osbert, Jean François, sieur de Coupeville, décéda ruiné et sans postérité. L’inventaire de son habitation nous confirme qu’il vivait pauvrement et sans biens de grande valeur. Comble de l’humiliation, il fut inhumé non pas à Donville où reposaient la plupart de ses ancêtres, mais dans le cimetière de Méautis ! Là aussi les créanciers et les opposants de la famille Osbert avaient décider d’aller jusqu’au bout et de faire disparaître à jamais ces personnages du fief de Donville.
Quant au manoir de Donville, il fut saisi ainsi que ses biens et adjugé à une dame de la Morandière car les Osbert avaient des dettes importantes. Il fut démantelé et réduit vers le milieu du 18ème siècle en simple ferme. L’un des bâtiments, proche du corps de logis principal et loué au fermier qui exploitait les terres de la propriété était situé sur le fief de Coupeville. Ce nom allait se substituer à celui de Donville comme si les seigneurs de Meautis voulaient définitivement oublier les Osbert et leur manoir.
Les Gigault de Bellefonds
Par voie d’héritage, Donville échut à noble dame Cécile Alexandre de la Bazonnière, épouse de messire Louis Bernardin Jacques Gigault de Bellefonds, chevalier de Saint Louis, seigneur de Hainneville et de Montaigu, demeurant dans son hôtel particulier de Valognes. Chose très surprenante, le propriétaire actuel dont la famille est originaire du Nord Cotentin avait l’un de ses ancêtres marié à une demoiselle Gigault de Bellefonds et ne savait pas que la propriété de Donville avait été en possession de sa famille… Cette puissante famille qui comptait entre autre un maréchal dans ses rangs, résidait à Valognes en hiver comme la mode l’imposait à partir du 18ème siècle pour la noblesse du Cotentin. Louis Bernardin Gigault de Bellefonds avait un certain nombre de terres importantes dans la région de Carentan. Ces terres leur apportaient des revenus considérables.
Les Gigault de Bellefonds furent les derniers titrés à posséder Donville. Ils décidèrent de vendre Donville-Coupeville en 1770 à Louis Gislot, fermier originaire de Sainteny.
Les Gislot
Louis Gislot qui avait épousé une jeune femme de Méautis disposait d’une fortune importante et décida de moderniser l’ancien manoir de Donville-Coupeville vers 1778. Pour cela il décida de prendre en location la terre d’Auxais non loin de Donville. (aujourd’hui ferme d’Antilly), ce qui lui permis de réaliser les travaux de modernisation de l’ancien manoir sans en subir les conséquences. Il fit supprimer la tour de la façade sud et agrandir le corps do logis principal. C’est lui qui commanda la charpente exceptionnelle du nouveau manoir de Donville-Coupeville. Malheureusement, il décéda en 1779 et son épouse deux ans plus tard. Un inventaire après décès fut réalisé car le couple Gislot avait des enfants mineurs. Grâce à cet inventaire fort intéressant, nous savons que les pierres de Caen, de Valognes et de Picauville étaient transportées par voie terrestre ou par gabares à travers le marais. Ces décès prématurés de la famille Gislot retardèrent les travaux du manoir qui se terminèrent en 1788.
Les Gislot devinrent des notables importants : médecin, percepteur des contributions, juge de paix. Pendant la révolution française, le manoir fit l’objet de nombreuses perquisitions de la garde nationale pour arrêter des prêtres réfractaires qui se cachaient dans le manoir. Ils ne les trouvèrent jamais grâce à une cachette dissimulée sous l’escalier qui existe toujours.
La chapelle de Donville fut séparée du manoir et vendue comme bien national pendant la terreur. C’est la famille Gislot qui la racheta pour en faire une chapelle privée le 25 fructidor an IV de la république. Nous trouvons encore leurs vieilles tombes dans le cimetière de la chapelle. Ils la restituèrent à la commune au milieu du 19ème siècle
La famille Gislot connut une fin tragique et n’eut pas de descendants mâles
Donville depuis 1850
Donville fut revendu plusieurs fois à des familles de notables qui plaçaient leur argent dans la terre : aussi retrouvons nous les familles de châtillon, Lemallier, Courtel… La ferme était louée à des paysans qui devaient faire- valoir Donville.
C’est un peu avant 1850 que fut reconstruit un nouveau bâtiment d’exploitation plus moderne et adapté aux nouvelles techniques agricoles. C’est ce bâtiment qui cache Donville et ses jolies façades.
Pendant le 19ème et le 20ème siècle, Donville allait vivre au rythme des récoltes et de la vie rurale : la ferme était centrée sur l’élevage bovin et la vente du lait. Les chevaux occupaient également une place importante car leurs ventes étaient une source de revenu non négligeable.
Le personnel de Donville-Coupeville était considérable et une quinzaine de personnes y vivaient à l’année : grands valets, petits valets, petites bonnes, la hiérarchie paysanne était représentée à Donville avec ses bons et ses mauvais côtés. Les locataires des lieux ou les propriétaires de l’époque organisaient les mariages des membres de leurs familles au sein du manoir qui se transformait en lieu de fête pour l’occasion
Le manoir de Donville faillit disparaître en 1944 pendant la terrible bataille de Carentan. Les Allemands, à partir du 12 juin 1944, se replièrent sur Donville et transformèrent la maison en état major provisoire. Des combats très violents, dont certains à l’arme blanche, se déroulèrent dans le manoir qui en porte encore les traces aujourd’hui.
Donville, qui est toujours en restauration, est devenu un lieu de paix et de culture prêt à être découvert par les visiteurs : théâtre, défilés, etc.
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