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Yvette Tesson

Habitante de Corbeauville à Méautis, 13 ans en 1944 et blessée accidentellement

Je n’ai pas gardé de souvenirs particuliers de l’arrivée des Allemands à Méautis car j’avais uniquement 9 ans en 1940 ! Ils n’occupaient pas notre maison située proche la route d’Auvers. Je n’en garde pas de mauvais souvenirs avant 1944. C’est après que cela s’est aggravé au moment du débarquement.

Yvette Tesson temoignage debarquement Je ne me souviens pas de la nuit du 05 au 06 juin 1944 car j’ai très bien dormi et nous n’étions pas chez nous car nous avons dormi chez Madame Lemoigne. Ce n’est pas moi qui ai aperçu les premiers parachutistes américains mais ma mère qui allait traire les vaches. Nous avons très vite su qu’ils se cachaient dans les haies et les chasses aux alentours. Ma mère faisait du ravitaillement avec une voisine en leur apportant du lait, du beurre. Pour faire croire aux Allemands qu’elles allaient donner à boire aux vaches, elles transportaient des seaux remplis d’eau. Elles cachaient la nourriture sur les petites charrettes qui leur servaient à transporter le tout. Les Allemands passaient pourtant tout proche de la maison sur la route mais ils n’ont rien vu ! J’ai quelques souvenirs de la bataille de Carentan : nous avons vu arriver deux jeunes garçons par chez nous qui ne savaient plus ou aller. Leurs parents avaient été tués et c’est ma mère qui les a hébergé pendants quelques jours.

Vers le 13 juin quand il y a eu la bataille de Donville mes parents, comme beaucoup d’autres avaient creusé un abri dans le champ en face de la maison dans une ancienne mare à sec. Nous étions réfugiés dans cet abri et les obus tombaient de toute part lorsqu’un obus tomba sur notre maison sans toutefois la détruire. Nous pouvions voir  le ciel grâce au trou fait par cet obus. Nous sommes restés tout de même dans la maison et nous vivions à côté quant cela était possible. Mes parents sont ensuite allés à Auvers. J’ai encore le souvenir d’avoir vu passer des camions remplis de soldats allemands morts avec leurs pieds qui dépassaient des remorques. C’étaient les Allemands qui ramassaient les leurs .Ils avaient ceux là encore le temps de le faire car la plupart sont restés sur place longtemps. Certains Allemands nous donnaient des bonbons quelques fois, sans doute que nous leur faisions penser à leurs enfants. Les Allemands réquisitionnaient souvent des chevaux et des charrettes pour leurs occupations militaires ou autres. Cela faisait quelques fois des frictions avec les civils qui n’appréciaient pas mais c’était la guerre et personne n’avait le choix.

C’est quand les enfants qui étaient réfugiés chez nous sont partis que j’ai été blessée en allant chez la voisine et que j’ai perdu un doigt. Il me semble que c’était le 20 juin 1944 : j’ai aperçu un Américain qui était assis à l’extérieur de la maison de la voisine et j’avais la main gauche sur le mur. Il y avait la petite voisine qui était avec moi.

Lorsque le soldat américain a voulu me donner des bonbons il a mis sa main dans sa poche et c’est à ce moment là que la grenade qu’il avait sur lui a éclatée… Je n’ai pas perdu conscience sur l’instant et j’ai réussi à revenir chez moi soutenue par une personne. J’étais blessée à la main et sur le côté gauche car j’avais reçu des éclats. J’ai ensuite été emmenée par les Américains dans leur hôpital de campagne à Bouteville.

Une chose incroyable est arrivée lorsque j’étais allongée sur un lit : un avion allemand a bombardé et tiré sur l’hôpital alors que la croix rouge était déployée. J’étais à semi consciente et une infirmière s’est approchée de moi pour m’examiner la tête. Je n’ai rien eu mais ils ont trouvé un éclat dans mon traversin ! La chance était avec moi ce jour là ! Je suis restée un temps à l’hôpital de campagne américain. Je ne pouvais pas être transportée car j’avais été recousue et je saignais facilement. De plus je n’avais plus de vêtements pour m’habiller. J’ai été transportée dans ce qui restait à l’hôpital de Carentan qui avait été en partie bombardé. C’était les sœurs qui s’occupaient des blessés. Les femmes étaient séparées des hommes.

Après la libération de Méautis les champs, les fossés étaient remplis de bidons d’essence, de caisses, de munitions etc. Il y en avait partout mais je ne sortais pas beaucoup car j’étais gosse et j’avais été blessée. Il y a eu des accidents après la guerre avec les munitions restées sur place. J’ai souvent entendu parler des personnes qui ont été fusillées à Méautis ou tuées dans la bataille. J’habite aujourd’hui l’emplacement de la maison de Marie Hardy qui a perdu la vie à Méautis en 1944. Sa maison a été détruite pendant les combats et a été reconstruite après.

Je garde de cette période un souvenir contrasté. J’étais enfant et je ne me rendais pas compte du danger de toute cette tragédie. Si cela se produisait à mon âge je serais terrifiée comme je pense l’étaient mes parents. Un enfant ne perçoit pas la guerre de la même façon que les adultes. Je ne souhaite à personne de connaître une période comme celle là.

 

Témoignage suivant : Raoul Lepleux

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