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Monsieur André de Pierrepont

Domicilié à  la ferme de la croix Picard à Méautis, 21 ans en 1944

Témoignage André de Pierrepont Je suis né Méautis en 1923 au hameau du Bas Bosq. Cependant mes parents exploitaient la ferme de la Croix Picard qui a été entièrement détruite après le 15 juin 1944 laquelle avait servi d’hôpital pour les soldats allemands.

C’est mon père, qui le premier a aperçu les Allemands sur leurs motos au mois de juin 1940. Il revenait de chez une tante de Sainteny qui habitait la ferme du Pavillon. Nous avions décidé de rester à la maison contrairement à d’autres personnes qui fuyaient sur les routes. Comme le courrier ne fonctionnait plus, mon père était parti écrémer du lait dans cette ferme. Lorsqu’il est arrivé à la maison il nous a dit « j’ai rencontré des boches, ils sont arrivés ».

Nous n’avons pas subi de bombardements où nous étions en 1940 à la Croix Picard. Les Allemands n’ont pas occupé la maison avant 1944 car la ferme était trop loin du bourg où ils étaient en garnison. Par contre, deux mois environ avant le débarquement, des troupes allemandes d’unités très diverses venaient faire du tir pour s’entraîner dans les marais de Gorges. Les soldats couchaient dans les étables de la ferme tandis que les officiers se réservaient les chambres. A ce sujet j’ai un souvenir assez drôle lors de la venue de trois officiers qui avaient réquisitionné des chambres de notre ferme. L’un d’eux ne pouvait plus enlever ses bottes et voulait dormir avec dans le lit. Mon père s’est approché et lui a dit « tu ne vas pas tout de même dormir avec ? » Voyant que l’Allemand était décidé à le faire mon père a aidé cet officier à lui enlever ses bottes. Je revois la scène avec mon père en train de tirer sur les bottes tandis que l’Allemand assis sur la descente de lit poussait de toutes ses forces ! J’étais jeune et je n’en pouvais plus de rire en voyant ce tableau !

Les Allemands venaient régulièrement à la ferme lorsqu’ils étaient en garnison dans le coin. Ils cherchaient des œufs, de la volaille…J’ai rencontré une fois un soldat allemand d’origine Alsacienne un jour avant de partir, le 14 juin 1944 : il était cuisinier de la division de panzer SS qui était stationnée à la ferme des Ormeaux en face chez nous. Il est entré dans la salle de la ferme et il nous a demandé du cidre. J’ai discuté avec lui et il m’a raconté qu’il partait au front se battre avec un unique pistolet et quelques balles ! Il m’a donné son adresse que j’ai noté au crayon à papier sur l’angle de la cheminée en me disant d’écrire à sa famille qu’il était encore vivant ce 14 juin ! Je ne l’ai pas fait car le lendemain nous sommes partis en exode et la ferme a été entièrement détruite par la suite. Je n’ai jamais eu de nouvelles de lui.

Ruines de la ferme de la Croix Picard a Meautis

Ruines de la ferme de la Croix Picard a Meautis

Je ne garde pas un mauvais souvenir des Allemands jusqu’au mois de juin 1944. C’est quand les SS sont arrivés que ces derniers ont commencé à nous faire des misères. Nous étions en contact avec les parachutistes du major Van der Heyhte  qui se comportaient normalement avec nous. Ces derniers nous ont dit, lorsque les SS se sont installés dans notre coin « doucement avec ces gars là car ils ont fait des choses extraordinaires… » (ils venaient d’Angoulême et ils avaient massacré des civils). Je me souviens d’un parachutiste allemand qui s’est approché de mon père et lui a dit « soyez sérieux, n’exagérez pas car ils ont fait des misères dans les pays qu’ils ont traversé »

Je n’ai jamais fait de résistance mais je sais qu’il y avait des gars qui faisaient de la résistance dans le coin sur Méautis et Carentan.

Le 04 octobre 1943 j’ai reçu ma convocation pour me présenter à la préfecture de Saint-Lô dans le cadre du service de travail obligatoire, le STO. Mais au lieu de partir pour Saint-Lô je suis parti sur Bayeux à Vaucelles dans la ferme de Monsieur Auguste Lesage que ma famille connaissait. J’y suis resté à travailler jusqu’au mois de mai 1944. Mon père est venu me chercher en carriole et je suis retourné à Méautis pour assister à un mariage dans ma famille. C’est de cette façon que je me suis retrouvé le jour du débarquement à Méautis ! Je n’ai pu revenir chez Monsieur Lesage à Vaucelles car il m’avait écrit que sa ferme était occupée par les Allemands et que cela devenait très dangereux.

Dans la nuit du 05 au 06 juin 1944 nous avons entendu au loin les bombardements sur Carentan et les bruits des canons de la défense anti- aérienne allemande. Toutefois rien n’était différent de ce que nous avions l’habitude d’entendre car les bombardements étaient fréquents pendant l’occupation ! Le lendemain matin je n’ai vu aucun parachutiste américain, nous ne savions pas que c’était le débarquement ! J’ai appris plus tard qu’ils étaient sur Donville ou Rougeval mais ils n’étaient pas chez nous. Ma mère a vu sortir trois soldats furtivement d’une haie mais elle a été incapable de savoir si ces soldats étaient américains ou allemands !

Nous sommes restés jusqu’au 15 juin 1944 : pendant la bataille de Carentan puis de Donville nous avons vu arriver en premier lieu les parachutistes allemands venus dans un premier temps surveiller ceux qui plantaient les « asperges » de Rommel dans les marais, puis le vendredi 09 juin les soldats Mongols et enfin les SS le dimanche 11 juin.

Nous avions creusé une tranchée dans le jardin pour nous protéger mais nous n’avons pas eu à nous en servir. J’ai le souvenir des soldats allemands qui partaient au front et qui passaient dans notre ferme vers le 13 juin 1944. Ils semblaient avoir peur et nous sentions que cela allait être dur pour eux. Nous avons vu passer beaucoup de blessés mais ils pouvaient encore marcher avec l’aide d’autres camarades. Ce n’était pas les blessés graves qui vinrent par la suite à la ferme. Je me souviens d’un parachutiste allemand qui avait était blessé au pied et qui est revenu me voir après la guerre en 1977.

Major Von der Heydte et ses compagnons d'armes

Major Von der Heydte et ses compagnons d’armes

Les civils arrivaient de partout à la maison pendant la bataille de Donville  et de Carentan : nous étions 44 personnes au total et personne n’a été blessé lorsque nous étions tous à la ferme ! C’est le major Von der Heydte qui nous a envoyé un major lorsqu’il était à Sainteny pour nous dire d’évacuer la ferme car cela aurait été un véritable massacre. Nous avons pris les chevaux qui étaient restés dans les herbages et qui n’étaient pas blessés du tout. Nous avons attelé les voitures et nous sommes partis ce 15 juin 1944. En sortant de la ferme nous avons du attendre que les Allemands enlèvent les blessés qui gisaient à l’entrée de la cour et qu’ils mettaient dans les camions. Le docteur Walter Schad m’a expliqué lorsqu’il est revenu après la guerre que notre ferme avait servi d’hôpital de campagne. Notre famille et moi-même nous avons pris la direction de Mesnilbus pour rejoindre la maison de Madame Fromond. Les autres civil sont partis là où ils pouvaient. Nous sommes restés plusieurs semaines à Mesnilbus jusqu’à ce que le village soit évacué à son tour. J’allais travailler dans des fermes chez des cousins sur Feugères. Puis nous avons continué l’exode jusqu’à Equilly, Beauchamp. Nous sommes rentrés à Méautis fin août début septembre je ne m’en souviens pas très bien.

Par contre je me souviens du choc de voir notre ferme détruite. Les Allemands après notre départ avaient installé dans la cuisine un mortier qui tirait de la maison par le toit qui était complètement défoncé. De cette façon les Américains, qui recevaient les torpilles de mortier aux Oziers n’arrivaient pas à localiser le départ des obus de mortier.

L’habitation n’avait pas brûlée mais était totalement détruite pas les obus et les combats. A notre retour des corps étaient restés dans la maison : nous avons trouvé un sergent allemand sous le seuil de la porte d’entrée. Les bâtiments et les étables de la ferme qui servaient d’hôpital avaient brûlés avec les blessés allemands qui étaient restés à l’intérieur. Les valides n’avaient pu les retirer et ils avaient brûlés vifs. Lorsque les bâtiments ont été entièrement dégagés après la guerre nous avons retrouvés des ossements brûlés qui ont été remis aux autorités compétentes.

Mes parents qui étaient amis avec Monsieur Raoul Dujardin de Méautis se sont vus attribués une salle et une chambre dans son habitation principale. Puis mes parents ont eu droit à une baraque en bois qu’ils ont monté dans la cour de la ferme de la Croix Picard où nous exploitions. Mes parents ont touché des dommages de guerre uniquement pour le cheptel et non pour la ferme car ils étaient locataires. Nous avons perdu tous nos meubles de famille, nos papiers. J’ai été mobilisé quant à moi en février 1945 et puis lorsque l’armistice a été signée je suis rentré dans mes foyers.

La campagne était remplie de matériel et de munitions en tout genre. Des accidents sont survenus en raison de la présence de munitions dangereuses.

Nous étions six avec ma grand-mère et nous avons la chance de pas avoir été touchés directement par la guerre. Toutefois j’ai perdu deux tantes  dont une tuée à Coutances.

Nous avons eu la surprise de voir arriver un jour de 1977 un car d’Allemands, des anciens parachutistes, qui venaient en visite sur les lieux des combats. Et c’est là que j’ai retrouvé le fameux soldat qui avait été blessé au pied. Tous ces types avaient bien changés ! Le docteur Walter Schad qui soignait les blessés dans notre ferme est revenu nous voir jusqu’à l’année dernière !

La guerre pour moi représente de tristes moments ! Je plains celui ou celle qui n’est pas du bon côté

 

Témoignage suivant  : Bernadette Robert

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